Les 4 tomes de La Philosophie occulte ou la Magie d'Henri Corneille-Agrippa est paru en 1510 et a été traduit en français par A. Levasseur en 1727.
Les quatre genres de daïmons
Voir Chapitre XVI
Les premiers daïmons sont les Surcélestes qui selon Agrippa adorent et servent l'unique dieu. Ce sont des dieux étroitement liés à la figure divine unique, rapportée au Dieu monothéiste par l'auteur. Ils n'ont pas d'influence directe sur le monde matériel et les plans inférieurs à celui du divin. Leur rôle est de recevoir la lumière divine puis de la transmettre aux ordres inférieurs.
Les seconds daïmons sont les Intelligences Célestes qui sont liés aux cieux et aux étoiles. Cet ordre a cette fois-ci une interaction avec les mondes inférieurs, en dehors du divin. Ces intelligences ne sont autres que ce que nous appelons plus communément les Intelligences Planétaires, avec les Saturniens, les Joviens et ainsi de suite pour chacun des 2 luminaires (le Soleil et la Lune) ainsi que les 5 planètes utilisées dans l'astrologie magique traditionnelle : Saturne, Jupiter, Mars, Vénus et Mercure. Dans cet ordre, on retrouve également douze daïmons qui président aux douze signes du Zodiaque (Bélier, Taureau, etc.). Il y a aussi 36 autres daïmons assignés aux décuries, 72 aux quinaires du ciel, aux languages des hommes et aux peuples (selon les cultures et régions d'appartenances). Quatre autres président aux éléments (Feu, Air, Eau et Terre) et aux triplicités, c'est à dire les signes rattachés à chaque élément (Bélier/Lion/Sagittaire pour le Feu, Taureau/Vierge/Capricorne pour la Terre, Gémeaux/Balance/Verseau pour l'Air, Cancer/Scorpion/Poissons pour l'Eau). Il y a ensuite sept gouverneurs de tout le monde par les 7 planètes (cette dernière phrase m'est encore assez obscure). On travaille avec ces Intelligences Célestes en utilisant leur nom ou leurs signes (ou caractères) afin de les invoquer. Vous pouvez trouver facilement ces caractères dans différents ouvrages, mais il est intéressant de se pencher sur les carrés magiques d'où ils sont tirés afin de comprendre ce que vous faites.
Les troisièmes daïmons, qui sont simplement appelés "Daïmons" par l'auteur, sont comme des ministres au-dessous des autres pour gouverner le monde matériel. Leur rôle est de guider les Hommes lors de leur vie : certains peuvent par exemple aussi bien provoquer la prospérité que l'adversité. Cette catégorie de Daïmons est divisée encore une fois selon les 4 éléments (Feu, Air, Eau, Terre) en étant associés aux quatre forces de l'âme célestes que sont : la pensée, la raison, l'imagination ainsi que la nature vivifique et motrice. Selon Agrippa, ils sont présents partout. Ils sont encore une fois liés aux étoiles et aux cieux, Agrippa dit qu'ils "s'y adaptent" sans apporter de précision plus claire à ce sujet. Je pense que l'auteur fait référence à ce que nous appellons les étoiles fixes en astrologie (Algol, Aldébaran, rigel, Bételgeuse, etc.).
Parmi cette dernière catégorie de daïmon, on retrouve des créatures mythologiques telles que les Sylvains, les Faunes, les Dryades, les Naïades ou encore les Lémures. Pour Agrippa, ces Daïmons sont considérés par le peuple comme des demi-dieux. Il prétend que certains seraient tellement proches des Hommes qu'ils pourraient avoir des passions avec le genre humain. Selon lui, certains posséderaient des corps mortels, mais vivraient plus longtemps que le genre commun.
Les quatrièmes daïmons, sont appelés Daïmons Souterrains ou ténébreux. On retrouve ici ce que nous pourrions communément appeler "démons" au sens judéo-chrétien. Les platoniciens les considèrent comme des anges déserteurs, qui vengent les crimes et les impiétés, sous autorité de la justice divine. Ils sont explicitement appelés mauvais daïmons et esprits malins. Mais ces daïmons ne s'en prendraient - selon l'auteur qui je le rappelle vit à une époque où l'Eglise est puissante - qu'aux Hommes faisant le mal volontairement. Ce sont donc en quelque sorte des entités tourmenteuses. Ils sont organisés en légions, commandés par des rois, des princes et des présidents. On peut ici faire le lien avec la voie magique de la Goétie, le Lemegeton (la petite clef de Salomon) ou encore avec les 72 démons du Daemonum de Pseudomonarchia de Johann Wierus, avec les plus connus comme Astaroth, Baal, Amon, Valac ou encore Vassago. Ce dernier type de daïmons compterait d'autres créatures mythologiques comme les Gorgones, les furies ou encore Cerbère. Agrippa cite ensuite Porphyre, qui précise que ces daïmons "habitent en un lieu près de la terre, bien plus, dans les entrailles de la terre". Il les décrit ensuite comme des êtres d'une méchanté absolue, très violents, qui tendent des embuches et font règner parmi les Hommes l'injustice et la discorde.
Le rôle des bons et mauvais daïmons
Dans le chapitre XX, Agrippa explique que ce dernier type de daïmon haïssent aussi bien les Hommes que les dieux. L'auteur explique que chaque personne est sous la garde particulière d'un bon daïmon qui l'incline vers le bien. Ce dernier est un gardien qui combat pour nous en faveur de l'esprit contre l'ennemi et la chair. Mais un daïmon mauvais est aussi associé pareillement à chaque personne, avec des buts contraires, le poussant vers le péché.
Le travail avec le bon daïmon permet de rapprocher la personne du divin et d'une vie vertueuse, qui lui permet de vaincre et dominer tout daïmon maléfique. Le bon daïmon est un trait d'union avec le divin : "Qui s'attache à dieu devient un esprit avec lui.". Lorsqu'il entre dans une âme sainte, celui-ci l'élève à la lumière de la sagesse, tandis que le mauvais daïmon glissé dans une âme dépravée la porte aux larcins, aux homicides, aux paillardises et autres mauvaises occupations. Selon Jamblique les bons daïmons purifient les âmes à la perfection, ils manifestent en nous la diversité, nous donnent par leur présence la santé du corps, la force de l'esprit, la tranquilité de pensée, détruisent en nous les germes de la mort, activent la chaleur, la rendant plus forte pour conserver la vie et répandent harmonieusement une lumière perpétuelle dans la pensée intelligible.
Agrippa mentionne un débat parmi les théologiens pour déterminer si un ou plusieurs bons daïmons peuvent veiller sur un être humain. Il y a un certain élitisme, car les personnes accompagnées par plusieurs de ces forces les plus spirituelles seraient au dessus des autres Hommes. Parmi ces Hommes seraient plusieurs grand héros ou personnages célèbres pour leur génie, leur esprit ou leur sagesse, comme Marc Antoine, César, Alexandre, etc.
Les Trois Gardiens
Dans le chapitre XXII, Agrippa explicite un peu plus ce principe de gardiens, en mentionnant un triple et bon daïmon ayant un rôle et une nature différente.
Le Daïmon sacré : il n'est pas lié aux astres, mais à une cause supérieure : dieu, maître des esprits. Il est assigné par dieu lors de la descente de l'âme. Il est directeur de la vie de l'âme en question. Il apporte les bonnes pensées et communique la lumière. Assez lavé des péchés et menant une vie tranquille, il s'entretient avec nous et nous fait entendre sa voix. Avant cela il est silencieux. Il tâche sans cesse de nous faire arriver à la perfectionn sacrée. En faisant appel à lui, il peut détourner la malignité du destin. Il faut l'honorer par les bonnes oeuvres et une vie sainte. Il envoie des songes et des signes, il détourne les maux dont nous sommes menacés, il procure et conserve les biens. Il faut prier Jupiter ou lui demander quel Daïmon peut nous aider.
Le Daïmon de naissance : il est lié aux astres et à leur configuration lors de la naissance. Il faut qu'il accepte de nous prendre sous sa tutelle. Il est l'éxecuteur et le conservateur de notre vie, il l'a concilie avec le corps et en prend soin pour que l'Homme puisse s'acquitter des offices que les puissances célestes lui ont confié à sa naissance. Ceux qui ont reçu un génie heureux sont vertueux dans leurs oeuvres, capables, forts et prospères.
Le Daïmon de la profession : on le choisit tacitement en fonction de nos choix de vie. Il peut changer en cas de changement de vie et peut être plus ou moins vertueux selon le métier que l'on choisit. Quand notre emploi correspond à notre nature, nous sommes assistés d'un semblable daïmon de profession qui s'accorde à notre génie particulier (celui de naissance), notre vie devient plus tranquille, heureuse et prospère. Il y a disharmonie lorsque la profession n'est pas en affinité avec le génie de naissance et on peut enchaîner les désillusions et les "mauvais patrons". Si le génie de naissance n'est pas bon, le daïmon de la profession peut être d'un grand secours et peut nous faire progresser bien mieux et plus vite dans ce cas.
Analyse personnelle
J'ai ci-dessus repris quasiment mot pour mot des extraits du livre d'Agrippa sans émettre de commentaires, que j'ai réservé pour cette section.
Le concept de daïmon est très intéressant. Bien qu'un peu compliqué au premier abord, il s'agit tout simplement des esprits et divinités intermédiaires que l'on utilise dans beaucoup de traditions occultes. Les anges (qui sont des daïmons selon Agrippa), des divinités de panthéons anciens, certains défunts, le panel est plutôt large.
Il faut bien comprendre qu'Agrippa avec cet ouvrage s'appuie énormément sur sa foi catholique pour expliquer le concept de daïmon. Comme vous l'avez compris, le Bien, le Mal, la notion de péché, de repentance et de vertu sont des concepts omniprésents qui donennt une image très dogmatique à l'oeuvre de l'occultisme. Beaucoup de lecteurs pourront se sentir mal à l'aise avec ce dogmatisme et personnellement c'est mon cas, même si je tends avec les années de pratique et mes inclinaisons spirituelles à y trouver des bénéfices intéressants.
Ici, il faudra retenir selon moi cette division et ce système hiérarchique des daïmons - qu'on pourrait qualifier aujourd'hui d'entités intermédiaires - entre le divin et notre plan matériel. On retrouve un concept de transmission de la lumière divine à travers ces forces qui sont une interface entre le divin et nous.
A titre personnel, ce sont les Intelligences Célestes, que l'on appelle aussi les Intelligences Planétaires. Il y a un lien avec les éléments qui ne m'était pas évident au premier abord et que je trouve intéressant. J'ai fait un lien entre daïmons et élémentaires (gnomes, sylphes, ondines et salamandres) que l'on retrouve beaucoup dans la voie traditionnelle de la Golden Dawn.
Les intelligences célestes ou planétaires sont connectées au divin et je trouve que malgré une plus grande difficulté pour rentrer en relation avec elles, celles-ci sont à la fois plus fiables, plus désintéressées et sages que des divinités ou entités plus "proches" de l'Homme. Ces dernières sont trop "humaines" à mon goût, elles ont souvent un rapport avec nous très...donnant donnant, avec un caractère finalement assez proche du nôtre, avec tout ce que cela implique. Je précise que je tire cela de mon expérience et que mon avis n'a pas plus de valeur que celui d'un autre praticien, je vous conseille de vous faire votre propre opinion.
Avant de conclure cet article, j'aimerai faire une précision très importante. J'imagine que beaucoup d'entre vous seront tentés de commencer des travaux rituels d'invocation ou d'évocation. S'il est évident que je ne recommande pas le travail magique avec les Daïmons ténébreux, il faut être prudent en travaillant avec les intelligences célestes ou même les "simples Daïmons" qui ne sont pas qualifiés de "maléfiques" par Agrippa. Il est nécessaire dans tout travail magique de bien se protéger, en se plaçant sous l'autorité du divin, en utilisant le plus fidèlement possible (surtout si vous débutez) la méthodologie et les précautions données par Agrippa dans ses ouvrages. Ayez bien conscience que ces forces ne sont pas anodine, ne sont pas nécessairement amicales et que les aborder avec nonchalance peut être très dangereux.
Il est impensable à mon sens de tenter de travailler avec une Intelligence Planétaire sans connaître les propriétés d'une planète. Toute énergie planétaire utilisée inconsciemment peut être très dangereuse, pas seulement Mars et Saturne. Je vous invite donc, si vous débutez, à renforcer vos connaissances théoriques pendant plusieurs années, à faire des rituels plus simples afin d'acquérir le bagage technique nécessaire pour travailler avec des entités que je qualifierais de "supérieures".
L'ouvrage
Si l'ouvrage d'Agrippa vous intéresse, je vous conseille très vivement l'édition Seshetas que vous trouverez ci-dessous. J'espère que l'éditeur la rendra prochainement disponible, car sa qualité est bien supérieure à celle des Editions de la Clef d'Or. La première est annotée et se base sur plusieurs premières éditions de l'ouvrage et a ainsi plus d'intérêt.
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